Présentation du livre « Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien » de Marc Bloch

Quatre-vingts ans après l’assassinat de son auteur par les nazis, cette œuvre posthume de Marc Bloch, ici présentée dans une nouvelle traduction, continue de rayonner avec une force charismatique. Le livre Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, publié aux éditions 70, sera présenté par Maria Lurdes Rosa (Faculté des Sciences Sociales et Humaines, Université Nova de Lisboa) et Victor Pereira (Institut d’Histoire Contemporaine, Université Nova de Lisboa) à la Médiathèque de l’Institut français du Portugal, le 7 mars à 19h.

Qu’est-ce que la discipline historique ? De quoi traite l’histoire : du passé ou des humains dans le temps ? Le passé éclaire-t-il le présent et peut-on tirer des leçons de l’histoire ou est-ce plutôt le présent qui interroge sans cesse le passé à nouveaux frais et en fonction des enjeux contemporains ? Qu’est- ce qu’un fausse nouvelle et comment réaliser une critique des documents qui nous permette de départager le vrai du faux ? L’histoire doit-elle se limiter à établir des faits ou devrait-elle aussi pour objectif de rendre compte des dynamiques culturelles et sociales de longue durée ainsi que des interprétations que les acteurs donnent des faits ou des événements dont ils ont été les témoins ?

Telles sont quelques-unes des grandes questions que se pose l’historien Marc Bloch en 1941-1942 alors que la seconde guerre mondiale fait rage et que les juifs (dont lui) sont persécutés poursuivis par les occupants nazis et le Régime de Vichy.

Cet ancien soldat de la Première guerre Mondiale – qui a connu l’étrange défaite de 1940 et qui est sur le point de rentrer dans la Résistance – tente de répondre à ces interrogations dans son Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, ouvrage dont une nouvelle traduction en portugais nous est aujourd’hui offerte par les éditions 70 accompagnée d’un riche prologue du directeur de la Bibliothèque Nationale Diogo Ramada Curto. Un ouvrage fondamental dans lequel Marc Bloch, père de l’École des Annales au côté de Lucien Febvre, assoie les bases d’une discipline historique pleinement scientifique. Tant par la méthode que par l’objet et la définition des objectifs, Marc Bloch rompt ici avec l’héritage positiviste du 19ème siècle et du début du 20ème siècle pour dessiner les contours de ce qui s’avèrera être une véritable révolution historiographique. Les grands historiens tels que Fernand Braudel, Georges Duby, Jacques Le Goff ou encore Lucette Valensi ou Nathan Wachtel suivront ses enseignements, notamment en pratiquant une histoire culturelle sensible aux mentalités et aux temporalités multiples, en privilégiant la méthode généalogique et en construisant une histoire régressive ou encore en ouvrant l’horizon des possibles des passés non-advenus.

Fusillé par les nazis en 1944, Marc Bloch, militant de l’histoire et de la liberté, nous laisse une œuvre posthume d’envergure et nous engage à pratiquer l’histoire avec passion, intégrité morale et sens des responsabilités. L’historien et sa méthode sont ici conçus comme vecteurs de la construction d’une société pleinement démocratique. Cette nouvelle traduction en portugais atteste du fait que cet héritage et les enseignements que l’on peut en tirer sont plus que jamais d’actualité à l’heure des fake news, des récits complotistes et de la réémergence de formes autoritaires de l’exercice du pouvoir. Grand historien et Résistant Marc Bloch fera son entrée au Panthéon en 2025.